Un dispositif hybride qui imite la photosynthèse et combine des polymères organiques captant la lumière avec des enzymes bactériennes est capable de transformer la lumière du soleil, l'eau et le dioxyde de carbone en composés chimiques qui constituent la base de milliers de produits, des plastiques aux cosmétiques, que nous utilisons quotidiennement.
Une équipe de chercheurs de l’Université de Cambridge, au Royaume-Uni, a présenté une « feuille » semi-artificielle capable de transformer la lumière du soleil, l’eau et le dioxyde de carbone en composés chimiques utilisés quotidiennement au niveau industriel, une avancée qui ouvre la porte à des processus moins dépendants des combustibles fossiles.
Selon un communiqué de presse, l'appareil utilise des polymères organiques qui captent la lumière et des enzymes bactériennes qui dirigent la conversion chimique, « imitant » la photosynthèse naturelle et produisant du formiate (formate) comme produit principal. Dans une nouvelle étude publiée dans la revue Joule, l’innovation est décrite comme une « photoélectrode biohybride ».
Détails du processus
L’avancée clé réside dans la combinaison de semi-conducteurs organiques, largement utilisés en électronique organique car modulables et non toxiques, et de biocatalyseurs extrêmement sélectifs, qui sont essentiellement des enzymes capables de convertir le CO₂ en molécules avec une haute fidélité chimique.
Comme l'expliquent les auteurs, c'est la première fois que des semi-conducteurs organiques sont utilisés comme composant photosensible dans ce type de dispositifs semi-artificiels, réduisant ainsi la dépendance à l'égard de matériaux instables ou toxiques présents dans les conceptions précédentes. Par conséquent, non seulement la conversion réalisée mais aussi le schéma de production sont plus durables.
Outre le choix des matériaux, la conception résout deux problèmes pratiques qui freinaient l’évolutivité de ce type de système : la stabilité et le besoin d’additifs. Les chercheurs ont immobilisé une enzyme auxiliaire, l'anhydrase carbonique, dans une structure poreuse de dioxyde de titane, une étape qui a permis au système de fonctionner dans une simple solution de bicarbonate, semblable à l'eau gazeuse, sans avoir besoin de tampons ou de réactifs qui dégradent généralement ces dispositifs. Cette nouvelle approche a prolongé la durée de vie opérationnelle et simplifié les conditions de travail.
Des résultats prometteurs : un nouveau modèle durable pour l’industrie chimique
Lors des tests en laboratoire effectués, la feuille biohybride a généré des courants photovoltaïques élevés et a obtenu une direction presque parfaite des électrons vers des réactions chimiques de formation de combustible : le dispositif a fonctionné de manière stable pendant plus de 24 heures, dépassant ainsi la durabilité des prototypes précédents, et a affirmé sa capacité à convertir le CO₂ en formiate avec une sélectivité et des performances jamais atteintes auparavant.
Référence
Feuille semi-artificielle interfaçant des semi-conducteurs organiques et des enzymes pour la synthèse chimique solaire. Céline Wing Voir Yeung et al. Joule (2025). DOI :https://doi.org/10.1016/j.joule.2025.102165
L’utilité pratique du système est devenue évidente lorsque l’équipe a utilisé le formiate produit par la feuille dans une réaction chimique « domino », qui a généré un composé intermédiaire utilisé dans la fabrication de médicaments, avec des rendements et une pureté élevés. Cette expérience démontre que la plateforme peut être intégrée aux filières chimiques existantes, pour produire des « éléments de base » essentiels à l’industrie chimique et sans nécessiter de matières premières fossiles. Les applications couvrent, entre autres, les produits en plastique, les cosmétiques et l'industrie pharmaceutique.
Désormais, les défis à relever sont de prolonger la durée de vie utile au-delà de quelques jours, d’étendre la fabrication de matériaux organiques photocatalytiques et d’optimiser l’intégration avec les processus industriels. Cependant, ces travaux proposent un véritable modèle de réduction progressive de l'utilisation des combustibles fossiles dans l'industrie chimique, dans lequel la lumière du soleil et le CO₂ atmosphérique deviennent des matières premières renouvelables pour les plastiques, les cosmétiques et les produits pharmaceutiques.