Florence + The Machine invoque les fantômes du corps dans «Everybody Scream»

Sur son sixième album studio, la Britannique Florence Welch pousse à l'extrême la mythologie qui a inspiré toute sa carrière. Il ne suffit plus d'invoquer des déesses païennes ou de danser parmi les ruines : cette fois, elle fait de son propre corps le champ d'un combat rituel entre la vie et la mort, entre la chair et l'esprit. Le résultat est «Everybody Scream», un album sombre et puissant, chanté avec les tripes et construit à partir d'un traumatisme.

« Tout le monde crie »

Florence + La Machine

Dossiers Polydor

Alternative

★★★★

L'album est né d'un épisode réel et brutal : une opération d'urgence après un avortement spontané que la chanteuse londonienne a subi alors qu'elle se produisait dans un festival, et qui a failli lui coûter la vie. Ce n'est pas un hasard si la sortie de l'album tombe le même jour qu'Halloween, tout comme les nombreuses références à des films d'horreur comme « Carrie », « The Devil's Seed » ou « Suspiria ». À partir de cette expérience terrifiante, Florence Welch construit un univers « d'horreur corporelle », de fureur, de douleur et de deuil, de lumière et de rédemption. Tout à la fois. Il ne s’agit pas de chercher des réponses, il ne s’agit pas de donner à la douleur un pouvoir transformateur. Il s'agit d'explorer les conséquences dévastatrices de ce traumatisme et les sentiments contradictoires qui accompagnent le fait d'être une artiste à succès et, en même temps, une femme dont la maternité a « échoué ». « J'ai creusé un trou dans le jardin et j'ai enterré un cri / De là a poussé un arbre rouge vif / luisant de ses feuilles pointues / Quand le vent souffle / tu peux encore m'entendre crier », chante-t-il sur « You Can Have It All », résumant l'esprit de l'album.

Un coven de liberté

Dans des chansons comme « Music by Men » ou « One For The Greats », Florence jette un sort de désobéissance, dénonçant le regard masculin qui, pendant des années, a fait d'elle une muse ou une figure mystique, mais rarement une auteure totale. Et au lieu de le faire seule, elle convoque d'autres sorcières contemporaines : le chanteur Mitski, sensible et retenu, et Mark Bowen, guitariste d'IDLES, avec sa fureur punk. Une tension stylistique qui fonctionne ici comme une montre suisse.

En fin de compte, «Everybody Scream» ne demande pas de compréhension, mais d'abandon. C'est l'heure des sorcières. Patri Di Filippo

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★★★★

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★★★★

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chanson folklorique

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'Big Band Vol. 1'

Lluc Casares

Les changements

Jazz

★★★

Le « big band » du saxophoniste Lluc Casares marche avec légèreté, comme s'il planait. Il y a une joie qui imprègne tout. Les arrangements du saxophoniste sont agiles, plus de traits fins que de larges coups de pinceau, les solos coulent. Et bien que dans son premier album en tant que leader en grand format, Casares respecte scrupuleusement le canon, 'Big Band vol. 1' a quelque chose d'audacieux : il y a des œuvres de Coltrane (« Naima ») et de Monk (« Off Minor ») devenues des classiques en petit format et que Casares repense en grand, ainsi que ses propres compositions accrocheuses. Il y a du goût et du niveau ici. Roger Rocher

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